Au tout début de la journée j’ai franchement l’impression d’être au Groenland. Pas un chat, des oiseaux de mer, des vieilles cahutes sur le bord de la route côtière avec le skidoo et la mustang rouillée garés dans le jardin.
Ce jour 3 j’en prends plein la vue. Jusqu’à présent il fait très beau. Pour la Norvège c’est quelque chose d’assez exceptionnel. La nature qui se bat d’habitude pour sortir une vague plante du sol – là – est en pleine effervescence. Disons qu’il y avait de la flotte. Maintenant il y a du soleil aussi.
Premier petit déjeuner. Suis accueilli par une gentille grand-mère qui me prépare un petit sandwich au saumon. Je n’ose pas lui dire que j’en mange vingt des comme ça pour avoir un peu moins faim. Mais l’accueil est sympatique et le café du matin est bienvenu. La dame tient une ferme et fait la peau à des animaux.
Et le voyage se poursuit dans la campagne.
Il y a un truc en Norvège : on est au milieu d’Alpes miniatures. Seul le bout dépasse de l’eau. Donc on passe rapidement d’un paysage au suivant, au détour d’un virage, après une montée (dans les Alpes on bouffe une heure de col dans la pénombre pour voir une nouvelle scène). Avec un brin de soleil ça devient à couper le souffle.
Les reliefs sont acérés. La lumière est à tomber par terre. C’est beau.
C’est tellement beau que ça paraît artificiel. Un délire photoshop grandeur nature.
J’avais presque oublié. Sur cette Eurovélo 1, pour relier Trömsö à Trondheim, il faut compter 15 ferries, 34 tunnels et une cinquantaine de ponts. Les bateaux c’est tranquille (sauf si on a peur des bateaux mais c’est pas mon cas). Les tunnels ça passe aussi pour la plupart sauf un qui descend 60 mètres sous la mer. Une montée forte en sensations avec un convoi de camions qui fait la queue derrière, le tout dans un bruit assourdissant.
Le plus sport c’est les ponts. De gigantesques ponts. Mais pourquoi si hauts ? Et pourquoi ça monte et ça descend si brusquement, à presque nécessiter un piolet pour pas glisser ? Eh bien c’est pour faire passer l’Hürtigrüten – le super bateau qui se fait tous les fjords.
A noter : les voitures sont très respectueuses. Il y en a plus dans les Löföten parce que c’est un peu touristique. Elles ne ralentissent pas mais elles font un grand écart en passant. A l’allemande. Pas de truc mi-figue mi-raisin à la française. La présence des vélos est globalement acceptée.
Après 160 bornes frénétiques à dévorer du paysage et du bitume je commence à cherche un coin où dormir. Pile au moment où le dernier ferry me parachute dans une dernière île isolée de tout. Toute minérale avec des gorges profondes. Impossible de bivouaquer à moins d’avoir un portaledge. Je passe dans un bled (3-4 maisons), aperçois une dame qui promène son chien, lui explique qu’il me suffit de fermer un œil pour dormir sur le coup. Elle appelle Erik qui loue à l’année et aujourd’hui c’est libre. On ramène ensemble le prix à celui d’une hytte de camping (+25%) … et je me retrouve dans un palace. Paysage à se damner, grand jardin, invitation d’Erik à pêcher dans le fjord au bout du jardin. Intérieur de la maison type viking moderne, en beau bois et images d’époque. Il y a mis en sien pour retaper cette maison après avoir quitté Oslo. Il revient dans son pays natal loin de tout. Je rêve de pouvoir revenir chez lui en hiver, et bien accompagné.
Je m’essaye à la pause longue pour obtenir le reflet de la montagne sur l’eau. En fin de journée pour repérer, puis à minuit 🙂
Des coins comme ça je voudrais y rester 6 mois, 12 … plus ?