Le guidon me colle aux doigts. La selle m’absorbe. Mes pneus chantent. Mes jambes exultent. Je fusionne avec ma machine. Un long frisson parcourt ma carcasse. La nuit s’installe. Elle s’annonce fraîche. Le spectacle hypnotique reprend. Devant moi, l’immense mille-pattes cybernétique rougeoyant, s’étirant de tout son long sur la campagne bretonne, poursuit sa lente progression vers l’ouest. Il grignote l’horizon. Mes yeux se brouillent. Mon cerveau bugge. Résister. Détourner le regard. L’abîme des sens me tend les bras …

Comment en suis-je arrivé là ?

Déclic

Le déclic s’est produit il y a quelques années, par une belle aube de printemps. Alors que le jour levait le voile sur une large route déserte, j’aperçus au loin une minuscule silhouette. Un pixel. Je rattrapai le gars. On associa nos efforts pour trouver la première boulangerie ouverte. Mon compagnon était un peu âgé, pas spécialement athlétique et pas très sympa non plus (au premier abord). J’eus la révélation en l’entendant discuter avec son collègue ramassé en chemin. Il lui racontait ses déboires ; toutes les merdes qu’il avait eues pendant la nuit. Son récit suintait d’abnégation et d’opiniâtreté. Ce gars avait le feu sacré. J’avais trouvé mon modèle. Il sortait de la forge des Diagonalistes de France.

Planifier une double demi-diagonale

Sur le papier, Paris-Brest-Paris (PBP) a un peu le même format qu’une Diagonale. Les distances et les dénivelées sont plus ou moins équivalentes. Il faut rouler en moyenne à 12 km/h – arrêts compris – pour terminer une diag’ dans les temps. Pour PBP, c’est 13,5 km/h. Ca fait 144 kilomètres supplémentaires à caser dans 90 heures.

Fidèle au commandement n°6 de Vélocio, je conserverai mon allure habituelle. Je limiterai les pauses et je dormirai moins que sur une diagonale.

A l’analyse des documents d’inscription, je remarque que les barrières horaires sont plus sévères à l’aller (vers Brest) qu’au retour (vers Rambouillet).

En direction de Brest, c’est plus cyclo que touriste [Source des données : documents ACP][Proudly powered by Soumoulou The Hibou]

J’y vois une incitation de l’ACP à liquider l’aller au plus vite (et après on verra). Pour autant, je serais curieux de savoir comment ces délais ont été établis.

Je prévois une vitesse roulante de 19 km/h avec une pause de 20 minutes toutes les 40 bornes (merci Gérard pour ces précieuses données).

Les haltes sont :

  • Un capital temps que je garde comme poire pour la soif en cas de pépin mécanique, power-nap ou engluage aux points de contrôle.
  • Un formidable outil de motivation : si je ne les utilise pas, je prends de l’avance sur les prévisions. C’est très bon pour un moral parfois mis à rude épreuve sur ce type d’exercice.
  • Une réserve pour les cyclotouristes dans l’âme qui trouvent que ça serait quand même dommage de ne pas s’arrêter pour photographier ce lever de soleil de ouf.

En comptant les arrêts, la vitesse moyenne passe de 19 à 16,4 km/h. Cela permet d’abattre les 1219 kilomètres de PBP en 74 heures. Il reste 16 heures de rab : c’est mes heures de sommeil.

Je provisionne 4 siestes :

  • 2 à l’aller : St-Nicolas-du-Pélem (2 heures) et Brest (3 heures)
  • et 2 au retour : Loudéac (3 heures) et 5 heures chez Juhel la vilaine

Au total, ça fait 13 heures de repos. Je place les 3 heures restantes sur mon compte épargne-temps.

Ce plan tranquille me permet de cumuler assez d’avance à chaque étape pour ne pas trop flirter avec la voiture-balai après chaque dodo.

Ca passe en bleu quand tu as roupillé à l’étape précédente. [Sources des données : documents d’inscription au PBP ; feuille de route de Soumoulou The Hibou][Proudly powered by Soumoulou The Hibou]

C’est ça quand tu ne roules pas très vite : ta calculette devient ta meilleure amie.

J’ai à présent les contours de ma roadmap. L’ACP a mâché la suite du travail en détaillant les étapes dans le projet d’itinéraire, à savoir un point tous les 10 kilomètres environ. La segmentation est parfaite. Il me reste à compléter la vitesse roulante, les pauses et les dodos … et hop, ma feuille de route est prête ! Je l’imprime, je la découpe en planches, je la plastifie et je la tapisse de velcro. Elle sera ma plus fidèle alliée pour atteindre mon objectif : terminer PBP sous les 90 heures.

Un éléphant se mange petit à petit, par morceaux de 10 kilomètres.

Je souhaite malgré tout arriver à Brest en une étape, mais chuuut ! c’est pas officiel.

Préparation

J’ai pas mal roulé ces derniers temps. Les occasions ne manquaient pas : sorties ACMV, randonnées des clubs voisins, BRM, rayons du centre de la France, excursions, vélotaf, dodécaudax,  baguette chez le boulanger, carroyage, Diagonales de France, … Quatre saisons durant, j’ai pédalé sur le plat et dans des bosses ; par temps sec ou humide ; avec du vent, de la neige, de la grêle, des pluies de grenouilles ou sous un soleil radieux. J’ai accumulé les heures de selle (NDR : j’ai aussi creusé ma dette de vaisselle, ménage, repassage, …). Je visais les 12000 bornes l’année précédant le 1200. J’arrive finalement au départ de PBP avec 16000 kilomètres dans les pattes.

Pour m’accompagner, j’ai trouvé – prions pour que Madame ne tombe pas sur ce récit ! – ma moitié. Cette machine est l’extension naturelle de mon corps. J’y suis parfaitement installé. A son bord, les paysages défilent tranquillement, comme dans un rêve éveillé, dans le confort le plus total.

 

Mon vélo

Nous formons un couple plutôt lent, mais efficace lorsqu’il s’agit de couvrir de longues distances dans des délais raisonnables.

A une semaine du départ, j’ai envoyé un colis à Brest (locker ouvert 24/24) contenant quelques barres de céréales, un powerbank, un cuissard de rechange, de la crème à cul, du scotch pour réemballer avec le linge sale et une étiquette de retour pour Paris. Il est là-bas ; il m’attend. Tic tic tic …

TIC TIC TIC …

Dimanche 20 août 2023. 16h. Rambouillet. Km 0

C’est noir de monde ici à Rambouillet !

Les randonneurs des quatre coins de la planète ont répondu présents à l’appel de la grand-messe quadriennale du cyclotourisme. Tous les quatre mètres, je croise un – ou une – cyclo dont la tête me dit quelque chose. Nous avons toutes et tous goûté aux délices de la longue distance à vélo. Les moments – même fugaces –  partagés ensemble par le passé ont laissé une trace indélébile dans notre mémoire. Nous nous retrouvons aujourd’hui.

[Sources des données : pbpresults.com ; ACP][Proudly powered by Soumoulou The Hibou]

Des membres du club ont poussé leur sortie dominicale jusqu’à Rambouillet pour venir nous encourager. Des collègues du boulot sont là aussi. Merci !

Nous sommes trois de Suresnes à prendre le départ de PBP : Luiji (dit The Bull), Patrick (dit The Prez) et ma pomme (dit The Hibou).

C’est parti !

Dimanche. 17h34. Km 1

La corne de brume sonne la fin de l’interminable attente. C’est parti !

The Bull part en trombe pour rattraper The Prez lancé une heure plus tôt.

Rambouillet s’éloigne. Dès les premiers mètres, le départ n’a jamais été aussi loin (NDR : private joke, perso je ne m’en lasse pas). Nous prenons d’assaut la route de St-Léger, moi et mes 6430 petits camarades.

2023. [Source des données : pbpresults.com][Proudly powered by Soumoulou The Hibou]

Le mouvement est massif. Les voitures se font discrètes. C’est à peine si j’entends le demi-coup de klaxon bafouillant au sortir de Rambouillet. La route est notre territoire pendant 90 heures.

Les 50 premiers …

Je suis partagé entre la joie de participer au sacre de la petite reine et l’appréhension des fameux … 50 premiers kilomètres. Tout pratiquant de la longue distance a vécu au moins une fois ce que Denis Morino décrit si bien :

“[…] Je ne suis jamais à l’aise avec les 50 premiers. Ils ne sont pourtant pas si différents des autres. Mal posé, mal assis, mal debout, mal partout, je ne me reconnais pas. Le coup de pédale laborieux, j’avance péniblement, hésitant. D’ordinaire agile, je me retrouve très emprunté sur une gestuelle que je maîtrise quasi parfaitement habituellement, le champ de vision strictement concentré sur mes non-sensations. […]”

Ça roule vite. Absolument tout ce qui bouge me double.

Des pelotons compacts me frôlent en passant. Je m’accroche au guidon et je tiens bien ma droite. En moins de deux heures, je me fais fumer par les groupes G, H et I (NDLR : une nouvelle meute est libérée toutes les 15 minutes).

Tout ce petit monde va se diluer dans la nuit ; il faut juste attendre un peu …

Je joue la voiture balai. Je suis le gars pas crédible avec ses sandales et sa chemise hawaïenne. Le mec qu’il faut impérativement laisser derrière. Le gus plutôt costaud, mais pas très puissant ni ultra-fit.  … Ce même gus qui, à force de régularité, revient tard dans le game pour chatouiller les fesses des Rapha kitted roadies. Je deviens alors tour à tour le Gédéon et le trublion, le loup et le Pac-Man insatiable.

Il y a quand même une petite voix qui me dit que je me traîne. Je vérifie sur la feuille de route : non, tout va bien. Enfin, tout ne va pas si bien que ça parce que je suis grave en avance sur les prévisions. Je ralentis prudemment.

Mes potes me tapent sur l’épaule en passant ; puis ils filent comme des balles de fusil.

Le niveau est élevé. Je ne peux pas m’empêcher de penser aux 12 kilos que j’ai repris au cours de l’année passée, juste en réintégrant le sucre (les gâteaux) dans mon alimentation. Avec ma monture lourdement chargée, je suis un éléphant de mer échoué sur la plage, un paresseux au milieu d’un troupeau de gazelles.

Le doute Masaï

J’ai l’impression d’être hors sujet. J’ai envie de bâcher. Mon amour-propre prend le dessus. Ça me fait chier tout ce monde. Je ne trouve pas la paix.

Les 50 premiers kilomètres …

NUIT

Dimanche. 23h08. Mortagne-au-Perche. Km 120

Mortagne, c’est Montagne avec un R. Premier ravito.

On me bouscule au stand saucisses. On me marche sur les pieds. On me passe devant. Tout le monde veut manger avant les autres. C’est la foire d’empoigne. Je me bats contre moi-même … pour ne pas m’énerver. Il faut que je quitte ce lieu au plus vite ! J’attrape deux sandwiches, je refais le plein d’eau et je déguerpis sans demander mon reste.

Merde mon téléphone a disparu !

Je reviens sur Mortagne pour passer les lieux du crime à la frontale. Rien. My precious s’est évaporé. Mon esprit s’assombrit. Dans mon tourment, j’ai l’impression bizarre qu’on m’observe … Ca vient de ce bosquet, là-bas, dans la pénombre. C’est elle. La sorcière aux dents vertes. Je ne pensais pas la voir si tôt. A voir comment le buisson frétille, elle a l’air contente de sa connerie. Sourire en coin, je m’incline vers elle en signe de respect pour une vieille connaissance. Réalise-t-elle qu’en me privant du superflu, elle m’offre tout le sel de l’aventure ?

PBP sera donc sans téléphone.

Je repars. La nuit a dispersé les groupes. Je me pose sur les prolongateurs en mode cruise. La nuit me happe. La paix me gagne.

Les prolongateurs, le top pour se poser

Lundi. 03h27. Juhel la vilaine. Km 203

Il y a de l’animation ici. Il y a plus de monde à Villaines-la-Juhel en pleine nuit que rue de Rivoli un samedi après-midi.

Tout en me félicitant d’avoir pris deux jours de bouffe dans les sacoches, je zappe ce ravito potentiellement chronophage.

Ô Grands Planificateurs ! Ô gardiens du temple de la randonnée ! Ô Grands Maîtres de l’ACP ! Nous vous implorons. Facilitez-Nous l’accès à la bouffe !

Je rencontre les sommités de l’Amicale des Diagonalistes de France.

Nous sommes au QG, au camp de base avancé du Paris-Brest-Paris. La mise en jambes est terminée. Les choses sérieuses commencent … MAINTENANT !

Les visages sont graves. Les randonneurs se couvrent pour traverser une nuit qui s’annonce fraîche.

Mes deux collègues du club sont sur place. The Bull fait dodo. Je fais un bout de chemin avec The Prez. Au bout d’une demi-heure, il me dépose dans une bosse. Je ne le reverrai plus.

Lundi. 05h02. Lassay-les-Châteaux. Km 232

Arrêt-pipi sur des châteaux au détour d’un lassay.

JOUR

Le soleil vient de se lever … encore une belle journée … l’ami du petit déjeuner … mon ami Rico

Lundi. 07h00. Gorron. Km 258

Hey Rico (NDLR : le patron du restau de Gorron), 5 croissants et un double expresso please ! J’avais oublié comment c’était bon le café sa mère. La nuit est chassée en deux gorgées.

La Team Italia est liquéfiée sur la table du restaurant. Les gars ont l’air épuisés. En même temps ça se comprend : quand tu te sens obligé d’accompagner chaque parole de grands gestes, tu te retrouves à piloter ton vélo d’une seule main. Ca doit être fatiguant …

A voir la mine soulagée des randonneurs en ce beau matin, je constate que la nuit continue à inquiéter. Notre inconscient collectif garde en mémoire cette époque – pas si lointaine que ça sur le plan de l’évolution – où nous nous faisions pêter dessus par des diplodocus vegan après le coucher du soleil.

Je recroise mes amis diagonalistes un peu plus loin, à la terrasse d’un bar-tabac. Je les complimente sur leurs superbes randonneuses. Ils s’en foutent de mes flatteries du moment qu’ils ne se font pas tirer leurs vélos.

Dominique Delpit, diagonaliste chevronné, me rattrape à l’approche de Fougères et m’honore de sa compagnie pendant quelques kilomètres. Nous discutons météo et cosmographie un court instant, puis une descente nous sépare.

Fougères, ville touffue

Lundi. 08h50. Fougères. Km 292

J’ai envie de rouler. Une envie démoniaque. Mon être tout entier aspire à pédaler. Ca fait trois semaines que je lève le pied en prévision de PBP. Trois semaines que j’explique chaque matin à ma randonneuse en pleurs que je ne peux pas l’emmener avec moi au travail. Aujourd’hui, je me rattrape. Nous allons sillonner la campagne bretonne jusqu’au bout de la France, à l’endroit où les terres finissent. Là-bas m’attend une chambre. Brest est à 300 kilomètres. C’est, en quelque sorte, un BRM qui se prépare ; un de ces brevets que j’enfile comme des perles depuis le début de l’année et dont je me délecte.

Le temps est radieux. L’ambiance commence à chauffer avec le soleil montant.

Au moment de quitter le point de contrôle de Fougères, je croise The Bull qui arrive. Il m’apprend que The Prez est sur place au restau. Considérant que la vitesse n’est pas mon fort ; considérant que la gestion des temps de pause est primordiale pour parvenir à mon objectif ; considérant que je tiens là, maintenant, une occasion unique de remettre à mes collègues une heure dans la vue (NDLR : c’est une vieille histoire) … je décolle sans tarder et à plutôt vive allure !

La route de Tinténiac, que je pensais connaître, m’apparaît sous un jour nouveau. Dans mes souvenirs, elle était musicale, notifiante, photogénique et iphonesque. Elle se présente aujourd’hui dans son plus simple appareil. Mes pneus la trouvent douce. Elle éveille mes sens. La moindre brise, le moindre battement d’aile de papillon, le moindre bruit, la moindre odeur : j’absorbe tout. A chaque coup de pédale, je découvre un nouveau monde d’une richesse infinie. Je sors de ma grotte. Je respire le grand air à pleins poumons. Je commence à me libérer de mes chaînes.

P… maintenant c’est les groupes J et K qui me dépassent !

Lundi. 12h16. Tinténiac. Km 353

C’est le début des bleds en -ac. On serait en Alsace, je serais en train de pointer à Tinténiheim.

Yannick, en vacances dans la réunion, est venu booster les gars du club. C’est tôt dans l’aventure. J’aurais aimé, cher ami, te montrer un visage désincarné de vieux guerrier, marqué par la douleur et la fatigue. A la place, j’arbore la face rougeoyante du jeune puceau qui vient de rouler sa première pelle. Merci pour cette visite et à bientôt sur les routes !

Brest nous voilà !

Mon vélo est tellement confortable que je renonce volontiers aux pauses optionnelles. Je zappe le ravitaillement de Quédillac. A la recherche du pédalage efficient – fluide et cadencé, régulier et tout en retenue – je m’imagine en locomotive à vapeur aux bielles parfaitement huilées. Je n’appuie plus sur les pédales. Je me contente de les accompagner dans les tours. J’avance. Inexorablement. Pour autant … une petite aire de service sympathique m’invite à y séjourner quelques minutes pour réorganiser mes sacoches, crémer et vapoter. Du bord de la route, je vois passer le magnifique tandem (TM) des cycles Perrin emmené avec vigueur par ses pilotes. A cet instant jaillit une idée dans mon esprit : il me faut un œuf. Un minuteur de cuisine. Il me manque un réveil.

Power-Nap Device (850$ chez Probikeshop ou … 5 balles chez l’épicier du coin)

Lundi. 17h09. Loudéac. Km 435

Le contrôle de Loudéac est placé devant des commerces. Parfait, je vais pouvoir ravitailler facilement. Pas besoin de m’immiscer dans les dédales du complexe éduquo-administratif tentaculaire pour espérer – dans le meilleur des cas – ressortir deux heures plus tard avec une pomme. Je dévalise la boulangerie de salé, de sucré et de sodas en tous genres.

La moitié du butin va dans les sacoches. Je la mangerai sur la route. Je dévore l’autre moitié assis sur une marche. C’est bon ! La Délicerie, un nom qui ne s’invente pas. On discute entre randonneurs. Brest est à portée de roues. Pour certains, c’est ce soir. Ca chauffe !

Je repars rassasié. Mon organisme me bénit pour cet apport en énergie. Il me donne de solides jambes.

Après quelques kilomètres, j’aperçois au loin un cycliste qui roule plus lentement que moi. C’est une première ! Je le rattrape et – sur un ton à moitié ironique – je m’excuse de le doubler. Ça le fait marrer. Il me répond qu’il ne serait pas là si ça le dérangeait de se faire dépasser. Aussitôt dit, il change de braquet et il détale comme un lièvre pour disparaître en haut d’une colline. Cette rencontre me laisse songeur. Je n’ai – a priori – pas totalement assimilé le commandement n°7 de Vélocio. Mon amour-propre est encore là, tapis dans l’ombre. Je cherche à faire PBP comme une diagonale classique : seul, à l’abri des autres. Je suis à contre-courant. Le trip ermite ascétique ne s’applique pas ici. Paris-Brest-Paris est avant tout une gigantesque fête ouverte à tous les accros de la petite reine. C’est la diag’ n°10, bariolée, extravertie, débridée, frénétique. Le projet X. Le hidden-track. Une nouvelle phase débute dans cette aventure : l’acceptation. Mes anciens schémas de pensée partent en fumée. La foule prend vie. Je me jette à corps perdu dans l’hystérie collective.

Lundi. 20h51. Saint-Nicolas-du-Pélem. Km 482

J’avais prévu de dormir un peu à Saint-Nicolas. Il ne fait pas tout à fait nuit. Je suis en forme. Je vais me les Pélem si je reste ici.

Allez, on pousse !

NUIT

Lundi. 22h45. Carhaix. Km 515

Voici venue l’heure du choix : dodo ou pas dodo.

Carhaix est le dernier endroit avant Brest où je peux demander à être réveillé par des bénévoles. La perte de mon téléphone me prive d’alarme. Donc power-nap en extérieur interdit. Ceux qui ont vu Les Griffes de la Nuit comprendront le dilemme auquel je suis confronté …

Après réflexion, je me dis qu’après une nuit blanche et 515 bornes dans les pattes, ça pourrait être sympa de se taper les Monts d’Arrée au clair de lune. Allez, un peu d’audaX ! Un café et direction Brest !

Au moment de repartir, je croise un extraterrestre. Il pilote un vélo elliptique avec des roues. Magnifié par le puissant éclairage du point de contrôle, le gars fait figure de super-héros. Il semble être fait de métal. Wolverine Vingegaard …

Je m’autorise une courte pause dans la forêt de Huelgoat pour croquer dans le sandwich au thon récupéré à Loudéac. J’atteins l’orgasme culinaire. Ce met dépasse toutes mes attentes. Bretagne, terre de gourmets. J’allume ma frontale pour vérifier l’état de mes provisions.  La lumière dérange. Un gros insecte volant vient me taper le casque à plusieurs reprises. Je dois me barrer.

Dans l’ascension du Roc Trévezel, je vois un panneau Ode Trédudon. Ca me fait rire. Le coin est un truc assez confidentiel pour diagonalistes chasseurs de cols. On ne sait jamais de quoi demain sera fait (surtout aujourd’hui), mais je me jure d’y passer un jour dans le cadre d’une diag’.

La désescalade du Massif Armoricain est un peu plus rock’n roll que l’ascension. Mon corps menace d’un arrêt-redémarrage imminent pour mises à jour. Le brouillard est à couper au couteau. Pour trouver la bonne trajectoire dans cette purée de poix, je fais l’erreur de suivre deux randonneurs par leurs loupiotes arrières. Ces lumières, telles des âmes errantes, dansent et virevoltent dans la nuit. Mon cerveau bugge. Mes yeux se ferment. Je dois m’arrêter.

The Bull m’a donné des gels au café avant le départ. J’en prends un. Ça ne marche pas. Je dois m’arrêter au bout de 100 mètres. Morphée se rapproche dangereusement. Je prends un deuxième gel et j’improvise un power-nap à l’arrêt sur le vélo, jambes au sol en triangle et coudes sur les prolongateurs. J’ai jamais fait ça mais j’imagine que la perte d’équilibre au moment fatidique me réveillera. Je compte sur mon instinct de survie. Et ça marche !

Mardi. 04h51. Brest. Km 604

Je suis à Brest !

Je fais face à un gigantesque complexe administrativo-culturo-universaire. Babylone, Babylone, trois heures d’arrêt ! La douche : 52ème escalier à droite. Un café : étage 1000. Ma chambre : là-bas au loin, mais il faut laisser les vélos ici parce que là-bas ils ne sont pas surveillés. J’atteins non sans difficultés le bâtiment 894P, là-bas au loin.

« C’est 5 euros la chambre.

– Mince mon argent est sur le vélo. Je vais devoir retourner là-bas le chercher.

– Ça dépend si vous avez le temps. »

En chemin vers mon vélo, je repense à ce que le gars m’a dit et j’éclate de rire. Je reviens le voir avec un billet de 5 et on rigole ensemble.

Il est 5h. Je demande à être réveillé à 8h. C’est tellement le far-ouest ici que je ne crois pas un seul instant que quelqu’un viendra m’extraire de mon sommeil. Je me vois déjà émerger 15 heures plus tard, le bec enfariné, dans des locaux désertés. Une femme au loin passe le balai. Elle se retourne, me sourit et dévoile … de belles dents vertes.

La chambre est top. J’ai un colocataire. Il ne fait pas un bruit.

Je m’allonge. Je ferme les yeux. Le barrage rompt. Un gigantesque flot de mélatonine se libère dans mon organisme. Shut down.

Jour

Initialisation du bios. J’ouvre les yeux. Je sors dans le couloir pour demander l’heure : il est 7h59. Les oiseaux chantent. La nature est bien faite.

Je croise deux randonneurs à la mine familière et sympathique. Ils pilotent des randonneuses single-speed de toute beauté. Je serais bien resté discuter un peu plus avec eux, mais la couleur rose flashy de leurs jerseys me fait fondre les yeux.

Je reprends la route.

Je déguste un double-expresso exquis au bord de la mer, à la plage du Moulin Blanc. Tous les indicateurs sont au vert. J’ai bien dormi (peu mais bien), mes jambes sont là et j’ai une avance confortable sur ma feuille de route. Je sais que les 2% de dénivelée moyenne à venir après le pont Albert Louppe vont taper dans mes réserves de temps. Je dois limiter la casse. Je bois la dernière gorgée et je reprends la route … direction Paris !

La plage du Moulin Blanc

La variante par Daoulas est magnifique par ce beau soleil d’été. J’avais suivi ce tracé il y a trois semaines pour repérer. C’était de nuit. C’est une toute autre expérience de jour. L’ACP nous invite ici à découvrir la Bretagne intime. La campagne est foisonnante, les montées à flancs de coteaux font presque montagne. Et les vaches …. hummmm CharaaaaL !

Je suis heureux. Heureux d’être là. Heureux d’avoir franchi un cap. Ce sentiment, nous sommes des centaines de cyclos à le partager en ce moment sur ce tronçon entre Brest et Carhaix. Les langues de délient. Les visages se dérident. Un esprit de corps est en train de naître. Mes potes Philippins ont survécu aux vélociraptors cyclophiles. Mes amis de toujours sont là ; ainsi que bon nombre de randonneurs rencontrés sur les brevets au cours de ces dernières années. Nous projetions de faire PBP. Nous y sommes à présent et nous kiffons, ici, maintenant, notre race.

Il paraît qu’un américain est déjà arrivé à Rambouillet.

Mardi. 11h20. Pont-de-Buis. Km 648

La supérette Casino de Pont-de-Buis est curieusement attractive. Je m’y arrête. Un employé me mène au rayon ustensiles et me sort … tadadaaa …  un œuf de cuisine ! Je prends le gars dans mes bras et je lui fais un gros câlin de reconnaissance. J’ai résolu mon problème de sommeil. A partir de maintenant, je peux dormir où ça me chante et quand ça me chante. J’ai mon passeport pour Rambouillet.

Je l’aurai cherché celui-là sa mère

Mardi. 14h37. Carhaix. Km 697

Le public s’étoffe. Le point de contrôle de Carhaix est plus agité qu’hier. La fête prend de l’ampleur.

J’ai une pensée émue pour mon colis laissé à Brest. Je l’imagine en larmes, appuyé contre les parois du locker, à hurler son désespoir. Je n’ai pas pu passer te chercher, petit drop-bag. Je n’ai pas le code d’accès. Une sorcière a piqué mon téléphone. Mon cul, à son tour, me fait des remontrances. Il comptait sur le cuissard de rechange et sur la crème pour sauver sa peau. On va faire sans.

Mardi. 17h27. Gouarec. Km 732

La lassitude me guette. Obnubilé par mon œuf de cuisine, j’ai oublié de ravitailler au supermarché de Pont-de-Buis. J’arrive un peu faiblard à Gouarec. Il y a un orchestre à l’entrée. La bouffe est derrière. Je n’ose pas passer, de peur de déranger les musiciens. Je suis à 2 de tension. Je reste planté là. La musique m’envahit. Plus rien d’autre n’existe. C’est authentique, viscéral. Je suis touché au plus profond de mon être. En quelques minutes, je revis comme si j’y étais quatre siècles de peines, de joies, de conflits, de fêtes, de deuils et de mariages de ce lieu unique. Il y a une âme ici. Je suis bouleversé … ou alors j’ai juste faim. Je marche finalement sur le pied de la chanteuse pour me frayer un chemin vers la bouffe. Je ressors avec 6 tomates et plein de croissants. Sans conviction, je bois un double-café. Il ne fait plus l’effet du début. J’ai l’impression de passer de la peinture fraîche sur de la tôle rouillée.

Le Coréen est sur place. Il est égal à lui-même, c’est-à-dire plutôt distant. Je ne compte plus le nombre de fois où nous nous sommes croisés depuis le début du voyage. Je décide cette fois-ci de briser la glace et de lui adresser la parole. Il me répond sèchement qu’il ne le fait pas exprès de rouler à la même vitesse que moi ; et il se barre. Mon approche sombre dans l’azote liquide.

Mardi. 18h20. Cléguérec. Km 749

Nous autres randonneurs traversons Cléguérec sous les applaudissements. Je m’arrête au tabac pour prendre des bonbons. Les clients n’en finissent pas de me questionner. La femme du patron me demande même de faire selfie avec elle. Son mari fulmine derrière le bar. Alors que je m’étais résolu à éradiquer toute trace d’amour-propre, ne voilà-t-il pas qu’un public endiablé se met en tête de le déterrer et de le dorloter. Le contraste avec une diagonale est saisissant. En temps normal, je me fais agresser par des camionnettes d’artisans pressés. Les voitures me coupent la route et me klaxonnent. Les chiens me coursent. Les gens ferment les volets à mon approche. Les commerçants me crachent dessus. Les enfants vomissent sur mes roues. Ici, sur PBP, aux yeux du public, je suis presque un héros.

Mardi. 20h30. Loudéac. Km 782

J’arrive un peu trop tard pour re-braquer la boulangerie de Loudéac. Je pointe et je reprends la route.

Je suis frappé par l’élégance des Randonneurs. A pieds, ils ne valent pas un clou. La magie commence lorsqu’ils enfourchent leurs machines et qu’ils se mettent en mouvement. Le couple forme alors un ensemble gracieux et terriblement efficace pour avaler des centaines de kilomètres. Je passe des heures à observer leur Geste.

Nuit

Le plafonnier s’éteint progressivement. Le décor se dépouille de tous ses artifices. Les gilets réfléchissants et les lumières rouges entrent une nouvelle fois en scène. Le Geste apparaît alors dans sa forme la plus pure. Je mesure l’immense marche qu’il reste à franchir aux concepteurs de jeux vidéo pour donner vie à des personnages réalistes. Ici, à l’approche du Morbihan, j’observe 6000 façons de pédaler, chacune plus gracieuse que les autres.

Mercredi. Minuit. Saint-Méen-le-Grand. Km 832

Mon GPS s’éteint à l’approche de Saint-Méen-le Grand. Je n’ai pas la tête à trifouiller des câbles. Je verrai ça plus tard. Pour le moment j’avance, tant que je peux.

Mon dernier artefact des temps modernes vient de cramer. Je n’ai plus une once d’électronique sur moi. Je me retrouve dans la peau des pionniers de 1931. Je m’offre mon petit quart-d’heure vintage. Un pilote, un vélo et basta !

Je suis nu comme un ver. Les lumières rouges sont mon unique point de repère pour rejoindre Paris. Le spectacle hypnotique reprend. L’immense mille-pattes cybernétique poursuit sa lente progression. Je n’ai pas d’autre choix que de le suivre.

Je n’ai plus l’heure. Mon amour-propre nouvellement restauré à Cléguérec m’interdit de la demander aux autres randonneurs. Je garde mon inquiétude pour moi. Je cherche vainement à trouver l’info dans le mouvement des astres. Je perds finalement la notion du temps. Ma feuille de route ne me sert plus à rien. Je ne sais plus si je suis dans mes prévisions. Si ça se trouve, je roule à la vitesse d’un marcheur et j’atteindrai Rambouillet dans trois semaines. Aucune idée. J’avance dans la nuit, maussade.

Mercredi. 00h41. Quédillac. Km 842

« Tu ne me reconnais pas ?

– Euh. Dans mon état, je ne me reconnaîtrais pas moi-même dans un miroir.

– C’est Sébastien !  Regarde, je t’ai apporté des compotes et des barres de céréales. »

Sébastien ! Mon compatriote. Mon frère de cœur. Tu as fait le chemin en pleine nuit jusqu’à Quédillac et tu attends dans le froid pour soutenir tes camarades de l’ACMV. Tu me cueilles là, au bout de ma vie, avec ton sourire réconfortant et bienveillant. Merci pour tout ! The Prez s’est blessé. The Bull me talonne. Mes sentiments s’entrechoquent. Longue-distance, école de vie.

A bientôt Seb. C’est reparti pour un tour.

Je m’arrête un court instant à Médréac pour vérifier cette histoire de câbles. Mon powerbank est raide. Je branche le GPS sur la dynamo. Il se ranime après quelques tours de roue. Je vérifie l’heure : je suis encore dans le coup !

Mercredi. 02h02. Tinténiac. Km 867

Je gère le contrôle de Tinténiac en mode balek.

Je vais aux toilettes clope au bec. Je me dessape un peu n’importe où. Je crois même que j’ai – involontairement – montré ma b… à une prude randonneuse en me crémant le cul.

A Tinténiac la prude

Ça devient n’importe quoi. Pour autant, qu’est-ce que c’est bon de retourner au stade animal !

Mercredi. 05h00. Saint-Aubin-du-Cormier. Km 907

Je commence à tourner de l’œil à l’approche de Saint-Aubin-du-Cormier. Je m’endors si mes yeux se ferment plus d’une demi-seconde. Je lutte pour les garder ouverts. Je résiste. Je pédale frénétiquement pour rester éveillé tout en cherchant un endroit pour dormir.

Je m’installe dans un abribus bien dégueu. Il combine déchets, graviers coupants au sol et araignées géantes. Le strapontin n’est pas assez large pour m’accueillir. Je peux m’y installer uniquement sur le côté, à la manière du fumeur d’opium. J’enfile ma veste de montagne et je la referme hermétiquement. Je règle mon œuf sur 1 heure et je ferme les yeux. Au bout de 15 minutes, mon corps est parcouru de frissons. Il fait un froid polaire. Je ne peux pas rester ici. Je décolle.

Le power-nap foiré de Saint-Aubin-du-Cormier

Jour

Mercredi. 07h00. Fougères. Km 928

Il y a Fougères et … Fougères 46 heures plus tard.

Je pointe. Je mange des croissants et je bois du café. Avant de repartir, je retourne sonder le gymnase : les tatamis sont accueillants. Je gonfle mon matelas, je mets les boules quies, je m’emmitoufle dans ma veste et je plonge dans les bras de Morflée. Un œuf me réveille. J’ai dormi l’heure qui me manquait. Go !

Les gens s’amassent sur le bord de la route. C’est le début des gimme 5. Le public transmet son énergie positive. Son gros kiff est de réveiller les randonneurs de leur léthargie et de les voir se remettre en danseuse pour affronter cette énième bosse. D’ordinaire, je trouve ma motivation dans le calme et la concentration. Ici, il n’y a pas de bulle méditative qui tienne.

Mercredi. 10h45. Gorron. Km 963

Quand un randonneur revient sur son lieu de naissance, c’est la ville toute entière qui s’enflamme. Un cyclo de Gorron est acclamé comme le messie. Je lui demande s’il est sur Paris-Gorron-Paris. Ca le fait rire.

Faire des petits calculs mathématiques est un excellent passe-temps quand la lassitude s’empare de tout ton être. Je triture dans ma tête les informations de ma feuille de route. Mes jambes, imperturbables, continuent de tourner. 250 bornes me séparent de Rambouillet. Je pourrais faire un modeste chrono dans la tranche des 80-90 heures. Pour fêter ça, je fais une pause totalement gratuite au rond-point à la sortie de Gorron.

Mercredi. 12h30. Lassay-les-Châteaux. Km 988

Je m’arrête à la supérette de Lassay-les-Châteaux. Un randonneur Scotland m’offre une délicieuse glace. Je lui offre des bananes en retour. L’ambiance est magique sur cette place de village ensoleillée. Je fais le plein de provisions.

Je repars. Je mange comme un glouton sur la route. Rambouillet m’attire comme un aimant.

Mercredi. 15h06. Villaines-la-Juhel. Km 1018

La foule, galvanisée par un gars avec son micro, est en délire chez Juhel la vilaine.

Alors que je refais le plein d’eau, je crois entendre mon prénom. C’est timide, mais ça se répète. Je n’y prête pas attention. Pierre, c’est une syllabe, un son que l’on retrouve dans beaucoup de mots. J’ai vécu il y a quelques années une expérience terrifiante sur les routes de Norvège. Après une journée à pédaler dans l’isolement le plus total, dans le froid et la pluie, sans bouffe, j’ai entendu hurler mon prénom. C’était une chèvre ! Les appels se font insistants ici chez Juhel. Je me retourne. Eric est là avec sa belle-sœur. Brigitte s’est absentée un moment. L’ACMV est présente partout. Le schisme coursier/randonneur disparaît. La fraternité reste. L’amour du vélo aussi. PBP, c’est du vélo avant tout. Merci pour votre visite !

Je repars … pour m’arrêter 1 kilomètre plus loin au bar. Double-café. Les clients me font une ovation. Ils m’offrent des pâtisseries. On discute de tout et de rien.

Un peu après la Vilaine, j’ai comme une impression de chaud. Je réalise que j’ai gardé mes vêtements de nuit alors que le compteur affiche 36 degrés. Je remets ma chemise ouverte à fleurs et tout va beaucoup mieux.

Je suis un peu inquiet. Il y a le mot Sarthe écrit sur ma feuille de route. Je vais devoir une nouvelle fois traverser ce département. C’est le coin des 24h du Mans où la voiture est portée au firmament. Pour être un vrai manceau, il faut rouler vite et brutalement. Nous autres randonneurs arrivons en territoire hostile. Ici, les bagnolards n’ont rien de particulier contre les cyclos. Ils ne savent juste pas ce que c’est un vélo. C’est le retour des incivilités et des coups de klaxon arbitraires. Le public a disparu. Tout le monde s’en fout royalement. Le Paris-Brest-Paris est tout juste toléré ici. Je fais le plein de provisions à Alençon et je me barre.

Aussitôt quittée la Sarthe, le film reprend. Le parc du Perche s’approche. La route est superbe en cette fin de journée.

Nuit

Mercredi. 20h50. Mortagne-au-Perche. Km 1099

Mon téléphone est à Mortagne. Les retrouvailles sont glaciales. Il me casse les couilles.

J’essaye de dormir un peu mais c’est trop le bordel ici. Je reprends un café et je pars vers Paris.

La route a l’air belle. Je reviendrai ici de jour.

Jeudi. 01h10. Senonches. Km 1140

Le club de Senonches a préparé un ravitaillement surprise au détour d’un virage. L’ambiance est chaleureuse. Nous savons tous ici que, sauf événement exceptionnel, PBP est dans la poche. Nous discutons entre randonneurs, entre frères. Cette veillée nocturne restera à jamais gravée dans ma mémoire.

Les longues lignes droites du Drouais mettent en valeur le Geste. Je talonne un randonneur Japan. Le mouvement des bandes réfléchissantes de son chasuble relève du shamanisme. L’élégance rencontre l’efficience. Un oiseau de feu trace vers Rambouillet.

Je fais une petite pause près de Maillebois pour m’adonner à mon activité favorite : pisser sous la voûte céleste. Le spectacle est de toute beauté. Je note toutefois une différence avec une diagonale classique (que j’attribue au manque de sommeil) : la scène est en 3D. Je peux littéralement mesurer la distance de chaque étoile dans le ciel.

Jeudi. 03h21. Dreux. Km 1177

Je poursuis des randonneurs bulgares dans Dreux. Ils dessinent la trajectoire parfaite dans cet environnement urbain accidenté. Un vélo caréné se joint à la fête. Tous ensemble, nous traversons la ville frénétiquement, façon wipe-out.

La forêt de Rambouillet approche. Les arbres ont des formes étranges. Ils s’humanisent dès que je baisse la vigilance. Les hallucinations me guettent. Je crois que je vais faire un bon dodo après tout ça.

RAMBOUILLET

Jeudi. 06h29. Rambouillet. Km 1219

Bon. Voilà, c’est fait.

Désolé pour les illustrations. J’avais pas de téléphone pour faire des photos.

Retour sur les horaires

Je suis finalement arrivé 50 minutes plus tôt que prévu.

Plan versus Réalisé [Sources des données : documents ACP, trace GPS, feuille de route][Proudly powered by Soumoulou The Hibou]

Equipement

  • Vélo avec moyeu dynamo
  • Casque
  • Electronique
    • Powerbank
    • GPS Garmin Edge 530
    • Cigarette électronique
    • Câbles de charge
    • Mini lampe frontale
  • Vêtements :
    • 1 cuissard Assoc GTC
    • 2 chemises à fleurs
    • 1 paire de chaussettes (ACMV please)
    • Paire de sandales Shimano
    • Pour la nuit :
      • Base layer Assos
      • Veste de montagne Millet Trilogy V
  • Crème de cuissard
  • Quelques gels dont 3 au café (merci The Bull !)
  • Feuille de route
  • CB
  • En cas de pépin mécanique :
    • Pneu de rechange
    • Rustines, colle
    • Pompe
    • Multi-tool
    • 1 chambre à air

Statistiques